Exactement à la date prévue, mais plus tout à fait au même prix. Comme il s’y était engagé en novembre 2024, l’État va donc nationaliser la division Advanced Computing d’Atos, mais en la rachetant 410 millions d’euros et plus, « 500 à 625 millions d’euros », comme l’avait (à l’époque) annoncé le ministère de l’Économie.
Cette division d’Atos est celle qui développe et commercialise les supercalculateurs (sous-division Calcul Haute Performance & Quantique), ainsi que des services liés à leurs usages (sous-division Business Computing & intelligence artificielle). Selon Atos, cette activité est censée générer un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros en 2025.
Officiellement, la différence de prix de rachat entre novembre et maintenant serait due à une réduction du périmètre nationalisé. Initialement, les activités d’Advanced Computing incluaient une filiale Vision AI, basée au Royaume-Uni, et spécialisée dans les solutions d’analyse vidéo. L’État n’a manifestement pas considéré qu’il s’agissait d’une activité sensible à sauver. Et Atos se félicite de continuer à l’exploiter sous sa marque Eviden pour vendre des solutions « de détection de bagages abandonnés, de gestion des foules, ou encore pour l’inspection qualité dans l’industrie », dit le communiqué officiel.
Pour mémoire, l’ambition de l’État est de sauver une entité commerciale, sous contrat avec les centres de recherche publics et l’armée française, des déboires financiers d’Atos. Cet ex-fleuron français de l’informatique se noie en effet sous les dettes depuis 2023, après avoir raté le virage du cloud et n’avoir pas su gérer en 2020 l’écroulement de l’infogérance, son marché historique.
Une goutte d’eau dans le sauvetage d’Atos
Selon les analystes, les supercalculateurs d’Atos, lointains descendants de Bull racheté en 2014, sont les troisièmes plus vendus dans le monde, derrière ceux de HPE et de Lenovo. En France, ce sont eux qui calculent les simulations nucléaires du CEA. Au sein d’Atos, cette activité est principalement incarnée par le site d’Angers où Bull fabriquait déjà ses ordinateurs. 2500 salariés travaillent dans cette division.
Une goutte d’eau par rapport au reste du groupe Atos, qui emploie 82 000 personnes, soit près de 33 fois plus, pour un CA de 10 milliards d’euros, soit seulement 12,5 fois celui de la division supercalcul. Lorsque l’État a décidé de nationaliser celle-ci, fin 2024, le groupe Atos affichait 5 milliards de dettes, soit la moitié de ce qu’il facturait.
Sous la menace d’un démantèlement depuis 2023, Atos a traversé des mois agités. Entre, d’un côté des offres de rachat par appartements à prix cassés – notamment de la part des hommes d’affaires Daniel Kretinsky et David Layani – et, de l’autre, des créanciers vent debout contre la perspective de ne jamais être remboursés. Ce sont finalement ces derniers qui, en transformant leurs créances en action, ont pris le contrôle du groupe.
Pour autant, l’avenir d’Atos est toujours incertain. Selon le journal L’Humanité, les syndicats redoutent que les nouveaux actionnaires poursuivent la stratégie de revente à la découpe. La différence serait qu’ils s’assurent cette fois-ci de récupérer eux-mêmes les fruits de cette liquidation.
Beaucoup d’autres entités candidates au rachat
Outre l’infogérance, qui représente encore la moitié de ses revenus, mais qui fond à vue d’œil, Atos commercialise des solutions informatiques, sous la marque Eviden. Eviden a deux activités, l’une appelée Digital, qui consiste à développer des applications à façon, et l’autre appelée BDS, qui consiste à fournir des produits sur étagère. Jusque-là, BDS vendait des solutions de Big Data, de cybersécurité, de systèmes critiques pour la Défense et, donc, de supercalcul.
Ce partitionnement d’Atos en sous-marques avait été conçu par l’ancienne direction du groupe, qui imaginait créer des spin-offs, peu avant qu’elle affiche sa stratégie de revente à la découpe.
Initialement, au début de l’année 2024, l’État avait imaginé racheter pour un montant compris entre 700 millions et 1 milliard d’euros les branches cybersécurité, systèmes critiques et supercalcul. On ne sait pas très bien pourquoi les deux premiers ont disparu de la négociation. Et on ignore toujours quel crédit donner aux rumeurs selon lesquelles Thalès travaillerait à les récupérer.
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