Un chiffre d’affaires trimestriel de 12,7 milliards de dollars exactement égal à celui d’il y a un an, mais un déficit de 887 millions de dollars deux fois plus important. Tel est le bilan qu’Intel vient de présenter pour les trois premiers mois de cette année 2025. Lip-Bu Tan, le nouveau PDG à la poigne de fer, déclare qu’avoir maintenu les ventes était un pas dans la bonne direction. Mais il prévient ses salariés que des efforts allaient être nécessaires. Il veut notamment réduire les charges de l’entreprise de 500 millions de dollars cette année. Et encore d’un milliard de dollars en 2026.
Si le PDG n’a pas directement confirmé la rumeur lancée la semaine dernière du licenciement prochain de 20.000 salariés, il a toutefois laissé entendre que des postes seraient supprimés dès ce second trimestre. Il s’agit selon lui « d’éliminer la complexité organisationnelle ».
Dans une lettre adressée publiquement à ses salariés, il s’est notamment dit surpris d’avoir découvert que de nombreux managers se gargarisaient de la taille des équipes sous leurs ordres. « À l’avenir, ce ne sera plus le cas (…) Il est indéniable que les changements nécessaires réduiront la taille de nos effectifs », a-t-il dit, en demandent à ses équipes de « travailler à éliminer des étages dans la hiérarchie. »
Une comptabilité étrange concernant les produits
Dans le détail, la division PC a rapporté 7,6 Mds $ lors du précédent trimestre, ce qui est présenté comme une contre-performance (-8% en un an) pour cette unité qui maintient historiquement Intel devant son concurrent AMD. La division Datacenter, en revanche, aurait vu ses ventes grimper de 8% en un an pour atteindre 4,1 Mds $.
Oui, mais. Il est notable que, dans ce bilan, les revenus des processeurs Xeon pour équipements réseau aient été ajoutés à ceux des Xeon pour datacenter, alors qu’il s’agissait précédemment de deux unités commerciales distinctes. Lors du premier trimestre 2024, Intel affichait plus exactement des résultats de 3 Mds $ pour la division datacenter et de 1,4 Md $ pour la division réseau. Un an plus tard, les Xeon rapportent donc en réalité 300 millions de moins.
Et ce n’est pas tout. Lorsque l’on compare les deux bilans à un an d’intervalle, on s’aperçoit que les ventes de processeurs Core pour PC ne sont pas du tout en baisse. Au contraire, elles ont rapporté au premier trimestre 2025 100 millions de dollars de plus qu’au premier trimestre 2024. À moins qu’il y ait là aussi un cumul des ventes avec des processeurs Core autrefois comptabilisés dans la division réseau ? Toujours est-il qu’on ne sait pas où la nouvelle direction d’Intel est allée chercher des évolutions de -8 et +8%.
Lors du trimestre précédent, le dernier de l’année 2024, les ventes de processeurs pour serveurs représentaient 3,4 Mds $ (en baisse), celles des processeurs pour équipements réseau 1,6 Mds $ (en hausse) et celles des processeurs pour PC 8 Mds $ (en baisse). Le CA global représentait alors 14,3 Mds $.
En définitive, on ignore à quel point le score de la nouvelle division Datacenter globalisée est lié au lancement, en fin d’année dernière, du dernier Xeon 6P pour serveurs. C’est pourtant lui qu’Intel met en valeur dans son rapport financier. Selon les tests de performance MLPerf, ce processeur serait 1,9 fois plus rapide que son prédécesseur sur l’IA générative et ce serait la raison de son succès. Dixit Intel.
Revendre pour générer des revenus
Un pourcentage qui apparaît en revanche mathématiquement correct est celui de l’amélioration du chiffre d’affaires des usines. Passer de 4,4 Mds $ de revenus il y a un an, à 4,7 Mds $ aujourd’hui correspond bien à un différentiel de 7% tel qu’annoncé par Intel. Cela dit, la dépense de 4,7 Mds $ nommée « intersegment », qui apparaît juste en dessous dans le bilan, suggère que le revenu des usines est juste le résultat d’une refacturation interne. L’opération est d’ailleurs neutre dans les résultats trimestriels. Manifestement, ces usines gravent toujours des semiconducteurs pour Intel uniquement.
Les 900 millions de dollars restants dans le bilan ne sont pas clairement attribués à une activité. Il y a un an, la division Altera, qui développe des FPGA, réalisait sur cette ligne un CA de 342 millions de dollars (alors en forte baisse). Cette année, Intel déclare qu’il a achevé lors du trimestre la revente de sa division SSD à SK Hynix ; le montant de cette opération était de 9 Mds $, mais il a été échelonné. On suppose que les derniers revenus de cette cession font partie des 900 millions indiqués dans le bilan.
Quant à Altera, Intel revend actuellement 51% de ses parts au fonds d’investissement Silver Lake. Les fruits de cette opération devraient apparaître parmi les revenus de l’un des prochains bilans trimestriels.
Reste à savoir si les usines sont condamnées au même sort. Lors de la conférence qu’il a donnée pour annoncer les résultats d’Intel aux analystes financiers, Lip-Bu Tan a simplement expliqué qu’il n’investirait pas plus loin dans le développement des usines tant qu’il n’aurait pas la certitude que celles existantes, voulues par son prédécesseur, sont rentables. De fait, il repousse à 2030 la construction de deux sites industriels supplémentaires. Leur chantier à 28 Mds $ devait démarrer cette année dans l’Ohio.
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